Normativité et connaissance

Notre second axe, intitulé Normativité et connaissance, se veut plus fondamental. Il se propose, dans une logique d’approfondissement conceptuel, d’explorer le champ de la rationalité théorique (celle qui vise la connaissance) et des normes qui ont trait à l’acquisition et à l’attribution de la connaissance. La notion qui se trouvera alors au cœur de la réflexion sera celle de raison et nous l’aborderons en relation avec l’ensemble des propriétés qui, dans le champ de l’épistémologie contemporaine, caractérisent le phénomène de la connaissance humaine. Le processus par lequel cette dernière s’élabore doit satisfaire de nombreuses exigences, depuis la collecte des données et la formulation des hypothèses, jusqu’à la production des savoirs proprement dits. En continuité directe avec les débats qui animent aujourd’hui les philosophes autour du renouveau sceptique (Pritchard 2015), nous examinerons les concepts cruciaux de certitude, de preuve, d’inférence et de raisonnement. En bref, la question au cœur de cet axe est celle de savoir ce que nous devrions faire pour accéder à de la connaissance dans un domaine particulier.

Groupe

Marc-Kevin Daoust (ÉTS), Michael Blome-Tillmann (McGill), Yves Bouchard (Université de Sherbrooke), Murray Clarke (Concordia), Aude Bandini (Université de Montréal), Daniel Laurier (Université de Montréal), David Hunter (Ryerson University), Ulf Hlobil (Concordia), Alain Voizard (UQAM)

Responsable

Marc-Kevin Daoust (ÉTS)

Projets associés

1) Le rapport aux faits et les attributions de connaissance (Bandini, Blome-Tillmann, Clarke, Hunter, Laurier)

Ce premier volet s’intéressera au rapport que nos représentations doivent entretenir avec le monde hors de nous pour avoir une valeur épistémique positive. On considère ainsi qu’avoir des connaissances suppose non seulement d’avoir des croyances vraies, mais aussi d’être en mesure de les justifier, de montrer qu’elles sont légitimes et rationnelles. Ainsi, Hunter et Bandini travailleront sur la notion de preuve (DeRose, 2000; Conee et Feldman, 2004; Haack, 1993). Selon les contextes, les preuves peuvent être de nature très différente : données expérimentales, témoignages, cohérence avec ce que l’on sait par ailleurs, etc. Qu’est-ce, fondamentalement, qu’une bonne preuve et une preuve meilleure qu’une autre, en sciences, en droit, ou dans la vie courante? Dans cette perspective, Laurier se demandera si toutes les preuves ont un rapport avec la vérité, ou si nous pouvons avoir de bonnes raisons de croire quelque chose parce que, tout bien considéré, c’est une bonne chose pour nous d’y croire (Broome, 2005, 2007 et 2008; Dancy, 2009; Hieronimy, 2006 et 2009; Engel, 2013; McCormick, 2015). Cette réflexion est susceptible de nous conduire à un réexamen de nos attributions de connaissance, comme le propose Michael Blome-Tillmann dans la nouvelle monographie qu’il consacrera à ce thème : quels sont les critères qui permettent d’affirmer que quelqu’un sait réellement quelque chose ou est un expert? (MacFarlane, 2005; Stanley, 2005; Bloome-Tillmann 2014). On sera ce faisant immanquablement conduit à affronter le problème épistémologique de Gettier (Gettier 1963; Borges, de Almeida et Klein : 2016), et de proposer une définition de la connaissance qui le surmonte : Clarke contribuera notamment à la rédaction d’un collectif consacré à cette question (Fitelson, Braden and Borges, 2018) ainsi qu’à la remise à l’honneur des « Tracking Theories », qui mettent l’accent sur la fiabilité des mécanismes cognitifs, en théorie de la connaissance (Clarke et Adams, 2005).

2) La connaissance et le raisonnement (Bouchard, Hlobil, Voizard)

Ce second volet sera consacré à la rationalité théorique en acte, telle qu’on la trouve mise en œuvre dans l’élaboration de nos raisonnements (Boghossian, 2014; Neta, 2013; Valari, 2014). Ainsi, Hlobil s’intéressera à ce que signifie le fait de tenir un raisonnement pour valide. La plupart des conceptions proposées jusque-là « sur-intellectualisent » le processus de raisonnement, si bien qu’elles conduisent à nier que les jeunes enfants soient capables de « raisonner » au sens plein du terme – une conclusion que les travaux de la psychologie du développement invalident clairement (McHugh et Way, à paraître; Broome, 2014). Voizard, de son côté, s’intéresse au sentiment de certitude et à ce qui, selon le type de raisonnement qu’on réalise, le constitue et le justifie (Wittgenstein, 1969; Galvez et Gaffal, 2012). Peut-on atteindre le même degré de certitude en matière de morale ou d’esthétique que dans les sciences descriptives? On peut ainsi plus largement envisager, comme le propose Bouchard, l’existence de normes épistémiques différentes, selon le contexte de recherche et d’enquête dans lequel on se place (McCarthy, 1993; Ghidini et Giunchiglia, 2001; Bouquet et al., 2003). Bouchard cherchera ainsi à proposer une modélisation logique des différents types de raisonnements pertinents pour la cognition en contexte, modélisation qui pourrait notamment trouver une application directe dans le domaine de l’intelligence artificielle.