Ellena Thibaud Latour

Ayant complété un baccalauréat bidisciplinaire en philosophie et anthropologie en 2021, je suis présentement à ma dernière année de maîtrise en philosophie à l’Université de Montréal. Mes intérêts se situent en épistémologie, en épistémologie sociale, en éthique ainsi qu’en philosophie féministe. Plus précisément, mes projets de recherche actuels s’intéressent à l’ignorance, la production de ce phénomène ainsi qu’à son rôle indéniable dans le maintien et la perpétuation de plusieurs injustices épistémiques et sociales.

Sous la direction de Aude Bandini, l’objectif de mon mémoire ​est de présenter une conceptualisation de ce qu’est et de ce qu’implique d’un point de vue épistémologique la notion de responsabilité quand elle est appliquée à l’ignorance. Il peut sembler contradictoire de parler de responsabilité épistémique s’appliquant à un objet comme l’ignorance car celle-ci se présente prima facie comme souvent inconsciente et non intentionnelle. L’intérêt de ce projet se trouve justement dans l’étude de cette apparente contradiction. L’ignorance joue en vérité un rôle important dans notre production de connaissance dans la mesure où, compte tenu de ce qu’est la cognition humaine et ses limitations (sur le plan de la mémoire, de la perception ou de l’attention), connaître quoi que ce soit exige que nous renoncions à vouloir tout savoir. En d’autres termes, l’ignorance peut donc être appropriée, y compris lorsque l’on poursuit des fins épistémiques. Cependant, il existe bien des cas dans lesquels l’ignorance constitue une entrave à la connaissance. C’est le cas dans l’aveuglement volontaire, la mauvaise foi, et les biais cognitifs. L’ignorance dans ces cas-ci consiste alors à ne pas tenir compte de faits ou de données pertinentes, car elles ne sont pas en cohérence avec nos croyances déjà acquises et nous obligent à les réviser. Nous avons en ce sens une responsabilité indéniable à l’égard de ce que nous savons et de ce que nous ne savons pas puisque nos jugements peuvent avoir des conséquences pour nous comme pour autrui, a fortiori lorsqu’on dispose d’une forme d’autorité épistémique ou lorsqu’on est reconnue comme experte (une médecin, une policière, une personnalité politique, etc.). La visée de mon mémoire est justement de clarifier la nature de notre responsabilité, au regard de l’ignorance que nous produisons chez autrui, mais aussi en nous-mêmes. Par une telle conceptualisation de l’ignorance et de notre responsabilité face à celle-ci, l’objectif principal est de proposer un volet appliqué, de nature productive et utile en observant l’application de ces notions à des enjeux sociaux actuels.