Normativité et société

Les concepts de norme et de groupe sont liés de plusieurs manières : les comportements collectifs sont régis par des normes, et de nombreux théoriciens considèrent que les normes sont le résultat de constructions sociales, comme celles du langage. Plusieurs des chercheurs du GRIN s’intéressent à cette dimension collective de la normativité et se demanderont (1) s’il existe un bien commun, et si oui de quelle manière il peut être lié au bien individuel; (2) en quel sens les choix de politiques publiques sont normatifs, et ce que cela implique du point de vue de leur légitimité; (3) si la bonne manière de comprendre les notions de bonheur et de bien-être est d’y voir une forme d’adéquation entre l’individu et le collectif ; et (4) la manière dont nos standards épistémiques et moraux sont liés à un certain nombre d’attentes sociales.

Responsable : Patrick Garon-Sayegh (Université de Montréal)

Groupe: Aude Bandini (Université de Montréal), Kristen Dunfield (Concordia), Baptiste Godrie (Université de Sherbrooke), Iwao Hirose (McGill), David Hunter (Toronto Metropolitan University), Katharina Nieswandt (Concordia), Mauro Rossi (UQAM), Natalie Stoljar (McGill), Christine Tappolet (Université de Montréal), Patrick Turmel (Université Laval)

Projets de recherche

(1)  Croyances justifiées, émotions et attitudes sociales

Une des questions centrales qui intéresse le GRIN est celle de l’origine des normes : le monde contribue-t-il d’une quelconque manière à les dicter, ou sont-elles le résultat des interactions sociales qu’entretiennent les êtres rationnels? Par exemple, le prochain livre de David Hunter (Hunter, à venir) défend l’idée que nos standards épistémiques reposent sur des attentes justifiées. Ainsi, ce qu’une personne devrait croire dépend de ce qu’elle devrait savoir, sans guère de rapport avec le type de données probantes dont elle dispose, comme c’est le cas pour les désirs. Selon Mauro Rossi et Christine Tappolet, une conception appropriée du bien-être devrait s’articuler autour de la notion de « fittingness ». Au moyen d’études observationnelles, Kristen Dunfield propose pour sa part d’appliquer le paradigme psychologique de la théorie du « domaine social » à la question de la propriété. Cela permettra d’évaluer si concevoir la propriété soit comme un droit naturel, soit comme une convention sociale, affecte les réactions que manifestent les enfants à propos de cas de vol. Enfin, les recherches de Natalie Stoljar porteront sur le rôle des normes sociales dans la constitution des situations d’oppression et d’inégalité. Les stéréotypes négatifs et les normes oppressives sont souvent internalisées et restreignent alors drastiquement les options des personnes, avec pour effet d’affaiblir le respect de soi, et l’autonomie des membres de groupes opprimés.

(2)  Le bien : aspects métaphysiques, linguistiques et sémantiques

Plusieurs membres du GRIN mènent actuellement des recherches sur le sens des termes « bien/bon » selon les contextes. Ainsi, David Hunter (Hunter, à paraître) revient les confusions à la fois métaphysiques, sémantiques et épistémologiques qui entourent ces notions. Mauro Rossi et Christine Tappolet soutiennent pour leur part qu’on pourrait analyser ce concept de « bien » en termes de celui de bien-être. Mauro Rossi étend cette thèse à la question du bien-être des enfants : en quoi consiste le bien-être des enfants, et comment évolue-t-il au fil du temps? Est-il fondamentalement différent de celui des adultes, et dans quelle mesure contribue-t-il à ce qu’on pourrait appeler « la valeur de l’enfance »? De son côté, Katharina Nieswandt a entrepris la rédaction d’une monographie sur la notion de bien commun (The Good Life and the Good State), demandant comment le bien commun, dans une société donnée, peut être en lien avec le bien individuel de chaque membre en particulier. Son approche néo-aristotélicienne met en jeu la fonction et le rôle que jouent les différentes figures du bien dans le raisonnement pratique, et l’agentivité collective.

(3)  De la théorie à la pratique : le problème des inégalités

Un nombre croissant de philosophes travaillent désormais en collaboration avec des chercheurs de disciplines connexes en vue de développer de nouveaux cadres théoriques. C’est le cas de plusieurs chercheurs du GRIN s’intéressant au problème des inégalités. Ainsi, Iwao Hirose prépare une monographie intitulée Measurement in Ethics et se demandant comment mesurer le bien-être, les inégalités, et la santé des populations. Kristen Dunfield et Katharina Nieswandt ont récemment mené une série d’études (avec Ulf Hlobil et une stagiaire postdoctorale) sur la sous-représentation des femmes en philosophie. Patrick Turmel conduit pour sa part un large projet de recherche qui compare entre elles trois modalités de taxation (revenus, succession, capital) pour évaluer dans quelle mesure elles affectent la production d’inégalité, croisant ainsi des questions morales et de faisabilité. Enfin, Aude Bandini et Baptiste Godrie débutent un projet multidisciplinaire sur la reconnaissance et la valorisation des savoirs expérientiels liés à la pauvreté, avec la participation des personnes concernées.

(4) Les normes en politiques publiques

Les décisions gouvernementales répondent généralement à des considérations de valeurs, plutôt qu’aux normes que cela implique. Dans un ouvrage sous contrat avec Routledge (The Ehtics of Pandemics), Iwao Hirose analysera extensivement la manière dont certains engagements en termes d’éthique normative influencent de manière décisive les choix de politiques publiques, par exemple la façon dont des ressources médicales limitées sont allouées. Patrick Turmel est lui en train de finaliser un ouvrage écrit à quatre mains, sur les justifications des différents modèles de taxation dans les sociétés démocratiques, et le rôle qu’y jouent les institutions sociales. Enfin, Natalie Stoljar poursuivra ses travaux sur les normes et valeurs – notamment celles de réciprocité et de confiance – qui pourraient orienter les politiques publiques dans la lutte contre le profilage et les violences raciales, et leurs potentiels effets sur le bien-être des individus.